Transition guinéenne : Baadiko BAH dénonce des « dérives dictatoriales »

Depuis quelque temps, le quotidien des Guinéens est fortement perturbé, notamment par des blocages intempestifs et prolongés de médias en ligne, le bannissement pur et simple des réseaux sociaux, etc. Pour compléter ce dramatique tableau de la mise en place programmée de la restriction des libertés fondamentales des citoyens, à a suppression de leur liberté d’opinion et leur droit sacré à l’information, les principales télévisions privées sont interdites de diffusion, leur signal radio étant purement et simplement brouillé. Ainsi donc, la Radio-Télévision Guinéenne (RTG), la voix du CNRD au pouvoir, devient ou plutôt redevient pratiquement l’unique source d’information en Guinée !

Il faut rappeler, en ce qui concerne les réseaux sociaux, librement accessibles ailleurs à des milliards d’êtres humains, que ceux-ci constituent pour des millions de citoyens guinéens, un outil de communication commode et plus économique pour les relations familiales et sociales et surtout pour des activités professionnelles ou éducatives. L’arrêt de l’accès aux réseaux sociaux et aux radios-télévisions privent actuellement des millions de pauvres Guinéens de leur moyen d’existence, dans un contexte ou le pays vit un marasme économique sans précédent depuis 1984. Aujourd’hui, un grand nombre de Guinéens sont incapables d’assurer leur pitance quotidienne, de se soigner ou de couvrir des besoins essentiels. Sans compter l’impact très négatif de ces actions illégales sur le chiffre d’affaires des compagnies de télécommunications et…l’Etat lui-même, privé de précieuses taxes, au moment. Et ce, au moment où il est connu que les caisses sont vides !

La justification de ces actions brutales du gouvernement du CNRD par de vagues « questions de sécurité » n’est pas sans rappeler les graves souvenirs du régime défunt de la première république, avec son système dictatorial et sanguinaire. Hélas, l’itinéraire totalitaire, dictatorial du CNRD est entrain de nous rappeler celui de cette sinistre époque, qu’on croyait à jamais révolue, avec la Loi Fondamentale de 1990. L’itinéraire suivi par le CNRD et les méthodes employées sont à s’y méprendre les mêmes. Au début du règne, il y a de très généreuses proclamations de bonnes intentions, répondant en cela aux vœux et aux attentes de l’écrasante majorité de la population. Et au bout de quelque temps – deux à trois ans – lorsqu’on se sent bien assis, avec un pouvoir solide, on bannit toutes les libertés et ensuite, au nom de la « sécurité de l’Etat », on entame la phase suivante qui est l’élimination physique de tous les adversaires réels ou supposés, par des « complots », avec leur cortège sanglant d’arrestations arbitraires, de tortures barbares, d’assassinats et de disparitions. On espère pour les chefs de la junte du CNRD et leurs amis et stratèges qu’ils vont rapidement nous rassurer sur le fait que leur « refondation » ne consiste pas à ramener le peuple de Guinée dans l’obscurantisme, à l’âge de la pierre taillée. Ils doivent savoir que la jeunesse guinéenne de 2023 n’est certainement pas celle de 1960. Nous avertissons solennellement ceux qui rêvent de remettre la Guinée sous la botte du régime défunt de la première république : si l’histoire se répète, les conséquences pour ses principaux acteurs ne peuvent pas être différentes de celles de leurs idéologues et inspirateurs. Toutes ces innombrables atteinte à la liberté d’opinion et d’expression doivent prendre immédiatement et définitivement fin.

Ceci dit, nous ne pouvons pas manquer d’appeler chacun à la responsabilité. Sans jamais se livrer à une autocensure quelconque, les médias doivent se garder de véhiculer des messages injurieux, provocateurs ou irresponsables. Il ne faut donner aucun prétexte permettant la justification d’actions néfastes inscrites dans un agenda secret.

Normalement, toutes celles et ceux qui se sentent injustement attaqués, quelque soit leur position dans l’appareil d’Etat, doivent recourir à la justice pour que leurs droits au respect de l’intégrité physique et morale soit reconnue. Bannir purement et simplement les médias après un débordement veut dire que le gouvernement du CNRD ne croit ni en sa justice, ni à sa propre légalité, ce qui est le premier signe de l’Etat dictatorial. Sinon, en cas de besoin, la loi aurait été dite.

En ce qui concerne les militants politiques engagés que nous sommes, les mêmes devoirs de réserve et de retenue s’imposent. Qu’on réside en Guinée ou à l’extérieur, le respect des règles élémentaires du vivre ensemble, doit être de mise.

Pour terminer, nous continuons à déplorer la terrible situation que vit le peuple de Guinée. Depuis 1958, le pays vit une instabilité chronique, avec de rares périodes d’accalmie. Dans ces conditions, impossible de bâtir un pays au profit de ses habitants qui n’aspirent qu’à vivre en paix, dans la liberté et le progrès. Les responsables de la junte guinéenne doivent avoir le courage de reconnaître qu’ils ont conduit le pays dans une impasse politique, économique et sociale, sans issue. Nous ne souhaitons à personne de vivre en permanence les doigts sur la gâchette, pratiquement en semi-clandestinité, sous la protection illusoire de baïonnettes étrangères.

Au nom de l’UFD, nous appelons toute la communauté guinéenne, toutes ses forces vives à nous retrouver et à nous pencher sereinement et objectivement sur les vraies raisons de cette décadence sans fin, ce sous-développement chronique, ces confiscations des libertés, ces crimes et massacres de toutes sortes. Le problème de la Guinée ne peut aujourd’hui se réduire à la seule production d’un quelconque « sauveur » pour s’installer au palais présidentiel, à la primature, dans les ministères ou l’assemblée ou ailleurs.

La grande question qui se pose est d’abord et avant tout celle-ci : le pouvoir, comment, dans quelles conditions et pour quoi faire ? Dans ce cadre, nos propositions d’une réforme institutionnelle pour la Régionalisation Avancée sera sur la table.

Fait à Conakry, le 10 décembre 2023

Pour le Bureau Exécutif

Le Président