La guerre en Ukraine ou la renaissance du condominium russo-américain ?
Tout est presque réuni, avec la guerre en Ukraine, pour parler d’une nouvelle cassure en deux blocs (EST-OUEST) dans la société internationale. Un chamboulement dans l’ordre international se dessine sur la carte mondiale à travers cette guerre.
L’invasion russe en Ukraine, qui continue de perdurer, deviendrait sûrement l’élément déclencheur d’une guerre non déclarée entre les anciens rivaux pendant la guerre froide et met en relief tous les enjeux qui sont en phase de redistribuer les rapports de force dans les relations internationales. Ainsi, les États-Unis et ses alliés naturels (l’Europe occidentale) se voient menacés par l’arrivée de la Russie à pas de géant dans des zones autrefois acquises (l’Ukraine, certains États africains…).
La guerre en Ukraine devient donc une guerre d’influence où les intérêts stratégiques sont en jeu entre la Russie et l’Occident. Pour ces deux camps, il faut agir par tous les moyens; d’un côté la Russie pour montrer son retour triomphal en dominateur absolu et de l’autre côté l’Occident pour sauvegarder son hégémonie sur la scène internationale.
En conséquence, des aides et assistances financières, techniques et technologiques (armements) en faveur de l’Ukraine et des sanctions de tout genre contre la Russie de la part de l’Occident — et à la grande surprise la cour pénale internationale (CPI) entre en jeu en décernant un mandat d’arrêt international contre le président russe, Vladimir Poutine. Un mandat d’arrêt international qui n’est pas passé sous silence dans l’opinion publique mondiale. À observer l’opinion publique au lendemain de ce mandat d’arrêt, nombreux sont des gens qui sont restés évasifs dans les commentaires et très pessimistes quant à l’aboutissement de ce feuilleton judiciaire déclenché par la CPI contre le chef de Kremlin; surtout que la Russie n’est pas partie prenante du statut de Rome.
De même l’on se pose des questions pourquoi un tel mandat d’arrêt international n’a pas été émis par la CPI contre le président George W Bush pour ses nombreuses violations contre le droit pénal international en Irak ? Et contre le président Nicolas Sarkozy en Libye ?
Ces différentes interrogations et/ou observations laissent nourrir des doutes et des ressentiments contre l’Occident. Un mandat d’arrêt qui laisse planer, sans ambages, le doute sur les démarches de la CPI, ainsi que la sincérité et la transparence dans ses actions judiciaires. Des agissements de la CPI qui sont sans commune mesure avec les dirigeants de l’Occident.
Cependant, tout ceci nourrit le doute en voyant deux faces d’une cour à la solde d’une catégorie — et puis ça crée le ressentiment que le reste du monde peut avoir contre l’Occident.
Ensuite, ces derniers jours ont été marqués par deux visites officielles, l’une à Moscou par le président chinois, Xi Jinping, qui était venu renouveler le soutien constant et infaillible de la Chine à Vladimir Poutine et à la Russie et l’autre à Kiev par le premier ministre japonais, Fumio Kishida, pour apporter au président ukrainien, Volodymyr Zelensky, son soutien et sa solidarité ainsi que ceux du gouvernement nippon.
En moins de 24h on a assisté à deux visites dans ces deux pays en guerre. Alors peut-on parler d’une coïncidence ou de visites faites à dessein ?
Eu égard à ces deux visites à Moscou et à Kiev, il est clair et évident que la Chine s’est alignée sur la Russie et le Japon sur l’Europe et les États-Unis; ce qui renvoie l’image d’un monde plongé à nouveau dans une guerre de positionnement et d’alignement géopolitique à l’image de la période de la guerre froide, d’où le nouveau condominium russo américain dans le monde.
Ce climat de guerre et de tensions pourrait se transformer en un conflit entre deux mondes différents et de deux civilisations différentes. Bref, entre deux mondes qui ne se font pas confiance.
Tout récemment nombreux sont les pays africains qui ont adopté la position de neutralité lors du vote contre la Russie suite à son invasion en Ukraine à l’occasion du sommet de l’assemblée générale des nations unies. Comme pour dire que le continent africain continue à garder sa position de non aligné.
Ainsi, l’ordre international se voit désormais bouleversé et tend vers le bicéphalisme monstrueux, que l’humanité a connu de par le passé entre le monde occidental dominé par les États-Unis et celui oriental dominé par la Russie. Ce qui laissera sans nul doute les deux super puissances à recourir à l’enrichissement en armements.
Ce repositionnement dans la société internationale, nous amène à théoriser l’idée de Raymond Aron selon laquelle en relations internationales : « le risque de guerre est déterminé par le caractère hétérogène du système international.» Le système international hétérogène, c’est l’ensemble d’Etats organisés selon des principes autres et se réclamant de valeurs contradictoires. Ce qui conduirait indubitablement les deux mondes différents à des affrontements permanents.
En réalité, le conflit russo-ukrainien donne lieu la cassure dans la société internationale entre l’Occident et le reste du monde.
Les reformes des nations unies ne sont-elles pas impératives aujourd’hui pour avoir un ordre juste et une représentation juste du monde ?
Ibrahima KALLO, juriste / spécialiste des relations internationales