Journée mondiale de la jeunesse :voici l’analyse de Souleymane Dounoh Keïta
La Journée Internationale de la Jeunesse, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies en 1999 (A/RES/54/120), est commémorée chaque année afin non seulement d’attirer l’attention de la communauté internationale sur les problèmes de la jeunesse mais aussi et surtout de célébrer le potentiel des jeunes en tant qu’acteur moteur de la société.
A l’occasion de cette 24e commémoration, je voudrais saisir l’occasion pour actualiser la réflexion autour de la question passionnante de la jeunesse africaine.
En effet, depuis toujours la jeunesse constitue la phase active dans la vie de l’être humain, c’est la période où tout peut se forger. Les jeunes ont la prédisposition naturelle à l’action. Ils disposent de la force du travail, l’esprit adapté à la formation et à la recherche, l’énergie et l’endurance corporelle nécessaire pour accomplir les tâches.
Les dirigeants du monde entier s’accordent pour dire que la jeunesse est l’avenir c’est pourquoi il faut investir en elle pour assurer la postérité, créer un monde de plus en plus meilleur où l’homme constituera son progrès sur la nature.
La tendance de juvénilisation de la population mondiale est en marche. Selon différentes approches, on est jeune jusqu’à 40 ans voir 45 ans. Ainsi, plus de 60% de la population mondiale est jeune avec une forte progression de la tranche 15 à 24 ans. Cette situation engendre de nombreux défis pour nos sociétés : l’accès à une formation de qualité, les problèmes de santé, de chômage notamment pour les jeunes et les femmes.
La situation sur notre continent est préoccupante au regard des rapports démographiques : en effet, l’ONU a annoncé récemment que la population mondiale a atteint 8 milliards d’habitants en 2021 avec 2 milliards 400 million en Afrique. Ce chiffre atteindrait 3 milliards et demi d’ici 2025, un accroissement que certains qualifient d’explosion démographique en Afrique. La population africaine va davantage se rajeunir, avec prêt de 70% de jeunes, ce pourcentage pourrait évoluer car l’Afrique pourrait voir sa population actuelle doublée d’ici à 2050. La tranche 15 à 24 ans pourrait représenter plus de 50%.
Voilà une problématique qui interpelle les décideurs de notre continent qui, de plus en plus, sont conscients du danger de ce qui est pourtant atout pour le développement de notre contient, (le capital démographique).
Selon des études, la population de l’Afrique va doubler en 2050 avec un très fort rajeunissement. Cet avantage démographique devrait permettre à une augmentation substantielle de la main d’œuvre pour répondre aux besoins de développement de notre continent.
Sous la présidence du Président Alpha Condé à la tête de l’Union Africaine, la dimension jeunesse a pris une place importante avec une volonté clairement exprimée par les dirigeants du continent. Les champions ont été créés dans tous les secteurs prioritaires ainsi, l’ex Président tchadien Idris Deby ITNO était le champion de la jeunesse africaine comme le Président Alpha Condé l’était pour l’électrification du contient.
Alors qu’il présidait la cérémonie d’ouverture du Forum Panafricain de la jeunesse à Ndjamena en 2017 devant plus de 2500 jeunes venus de tout le contient, le Président Alpha Condé disait ceci : « …la jeunesse africaine doit être fière du combat mené par les devanciers… elle doit apprendre à connaitre l’histoire et se l’approprier. La jeunesse de la population africaine est un atout pour notre développement, nous les chefs d’état sommes assis sur des bombes car si nous ne nous occupons des problèmes de la jeunesse, nous allons tous sauter… ».
Cette préoccupation exprimée par le Président de l’institution continentale témoigne de l’intérêt des plus hautes autorités. Le thème retenu le confirmait davantage : « tirer pleinement profit du dividende démographique en investissant dans la jeunesse ». Si ce slogan rime parfaitement avec le défi que représente la nécessité de préparer la jeunesse africaine aux problèmes du contient, le constat reste alarment au regard de ce que cette couche importante est en passe de devenir aujourd’hui.
Les dernières décennies restent marquées par la précarité et le chômage chronique de la jeunesse africaine. Les jeunes en Afrique sont victimes du manque de perspectives de nos politiques publiques. La mauvaise qualité de formation, le déficit d’accès à l’école pour une part importante des enfants en âge de scolarisation, l’obsolescence des programmes de formation, etc. le chômage chronique et le désespoir expose cette jeunesse à de nombreux maux souvent des plus dégradantes. L’immigration clandestine quitte à traverser la méditerranée ou le désert pour rallier l’occident, une aventure qui a endeuillé de nombreuses familles africaines.
La montée de la violence à travers des mouvements de revendication, les jeunes sont des proies faciles à toutes sortes de manipulation. Exposés à l’incurie des politiciens véreux qui ne leur font appel que pour des activités de propagandes politiques et non pas à participer à la construction par des idées pour le pays. Ils sont également une proie facile pour les recruteurs de mouvements extrémistes et radicaux dont le terrorisme.
Au regard de ce constat, il est impératif de prendre des mesures sur la question de la jeunesse au-delà des déclarations pompeuses car comme le disait un leader africain « …la jeunesse africaine est une bombe en retardement si on ne prend pas des mesures idoines ».
À l’occasion de cette 24e célébration de la journée de la jeunesse, j’ose espérer des actions fortes ; des programmes à court moyen et long terme devraient être élaborés pour une plus grande qualification de la formation des jeunes en fonction des besoins réels du continent en termes de main d’œuvre qualifiée. La maitrise de la science et de la technologie doit être un secteur prioritaire pour les acteurs étatiques.
L’avenir se jouera en Afrique en raison du potentiel qu’elle regorge, en réalité, l’Afrique reste un continent vierge donc à construire. C’est pourquoi en plus des politiques mises en place, faudrait-il que la jeunesse africaine prenne conscience du rôle qu’elle doit jouer dans un monde multipolaire en pleine recomposition. Reprendre le flambeau de la lutte pour une véritable indépendance du continent, alignée sur les exigences du nouveau monde.
En Guinée dans mon pays, c’est avec optimisme que je vois les choses. Une jeunesse soumise au même sort que celui de la majorité des jeunes africains. Comme dans tout le continent, nous sommes plus de 70% de la population c’est-à-dire plus de la moitié. Si dans un élan patriotique et responsable on agit, il est certain que l’on puisse changer positivement les choses dans notre pays. Cela suppose engagement et sacrifice.
Il faut noter que l’épanouissement de la jeunesse suppose un cadre. Tout comme le développement, l’existence d’un environnement stable et organisé s’avère important. C’est raison pour laquelle la jeunesse, pour des pays comme le nôtre doit fortement s’impliquer pour la construction de l’architecture institutionnelle devant fonder notre Etat. Une implication modeste mais ferme en vue d’échapper aux tentations de la politique politicienne. Une fois cet environnement crée dont chacun sera le garant, on pourra enfin dérouler un véritable programme pour les jeunes dont ils seront partie prenante de la conception à la mise en œuvre de toutes les politiques les concernant.
L’espoir est permis.
Souleymane Kéita.