Burkina-Faso : des assises nationales s’ouvrent pour nommer un président de transition
Deux semaines après un second putsch en huit mois qui a porté au pouvoir le capitaine Ibrahim Traoré, dont les partisans souhaitent qu’il soit désigné, en dépit de sa volonté affichée de ne pas l’être. Ces assises rassembleront des représentants de l’armée et de la police, des organisations coutumières et religieuses, de la société civile, des syndicats, des partis et des déplacés internes victimes des attaques djihadistes qui frappent le pays depuis 2015.
Selon le président de leur comité d’organisation, le colonel major Célestin Compaoré, elles « ont pour objectif d’examiner et adopter la charte de la transition, désigner un président de la transition conformément à la charte et recueillir toute proposition en vue de la bonne marche de la transition ».
Le 24 janvier, des militaires emmenés par le lieutenant-colonel Paul Henri Sandaogo Damiba et regroupés au sein d’une junte appelée Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR), avaient renversé le président Roch Marc Christian Kaboré, accusé d’incapacité face aux attaques djihadistes qui se sont multipliées au Burkina Faso. Elles n’ont pas cessé en huit mois et, face la dégradation constante de la situation, un nouveau putsch a eu lieu le 30 septembre, qui a porté au pouvoir un jeune capitaine de 34 ans, Ibrahim Traoré, afin de « recentrer la transition sur les urgences sécuritaires », selon la junte.
Officiellement désigné président peu après sa prise de pouvoir, le capitaine Traoré a assuré qu’il ne ferait qu’expédier « les affaires courantes » jusqu’à la désignation d’un nouveau président de transition civil ou militaire par des « assises nationales ».
« Pourquoi continuer ? », avait-il affirmé à la radio RFI après son coup d’Etat, assurant que sa priorité était la lutte antidjihadiste et le développement du Burkina Faso. Mais des voix se sont élevées pour réclamer son maintien lors de meetings de soutien à Ouagadougou et Bobo-Dioulasso, la deuxième ville du pays. « Le capitaine Ibrahim Traoré doit nécessairement terminer ce pour quoi il est venu », a affirmé Oscar Séraphin Ky, leader d’un mouvement de soutien au capitaine.
Ibrahim Traoré, « le choix du peuple »
« Au regard de l’adhésion populaire [au putsch], la convocation d’assises nationales pour désigner un président de la transition ne devrait pas avoir lieu, car depuis les premiers moments le choix du peuple était déjà fait et c’est le capitaine Ibrahim Traoré », a renchéri un autre mouvement qui a appelé à la mobilisation vendredi.
L’ambassadeur de France au Burkina Faso, Luc Hallade, a appelé ses compatriotes « à limiter » vendredi leurs déplacements « au strict nécessaire », « par crainte de nouveaux mouvements de protestation ». Des intérêts de la France au Burkina Faso, dont l’ambassade et deux instituts français, ont été pris à partie par des manifestants pro-Traoré à l’occasion du dernier putsch.
Un sondage réalisé par Apidon, un institut local, indique que 53 % des Burkinabés préfèrent avoir le capitaine Traoré à la tête du pays, selon le quotidien gouvernemental Sidwaya, qui note que pour ses « inconditionnels (…), il doit assumer son coup d’Etat, car un civil ne saurait conduire le Burkina Faso à un moment où les groupes armés ont gagné du terrain ».
Les attaques régulières de groupes armés affiliés à Al-Qaida et au groupe Etat islamique (EI) ont fait des milliers de morts et provoqué le déplacement de quelque deux millions de personnes depuis 2015. Plus de 40 % du territoire échappe au contrôle de l’Etat, notamment du côté des frontières avec le Mali et le Niger.
Le capitaine Traoré a assuré que Ouagadougou continuerait à respecter les engagements pris sous M. Damiba vis-à-vis de la Communauté des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), en particulier sur l’organisation d’élections et un retour de civils au pouvoir au plus tard en juillet 2024.